Activités artistiques pour les enfants hospitalisés en région bruxelloise

Créativité en services de pédiatrie

Franchir les portes d’un hôpital, pour une heure, un jour, une semaine, un mois, ou pire encore, pour une période indéterminée, n’est jamais agréable pour un adulte. Encore moins pour un enfant. Repères quotidiens, cadre familial, animal de compagnie, promenades à vélo, cour de récréation, jeux avec les amis, tout cela peut se trouver en un rien de temps remplacé par le blanc immaculé des murs de cliniques et des blouses de médecins.

L’hôpital est un univers restreint. Un monde dans le monde. Au sein de cet environnement clos, l’angoisse de l’enfant peut être considérable. Celle de la famille tout autant. Parfois même difficile à surmonter, tout comme la maladie elle-même et les soins procurés. Cela doit être pris en considération. Aussi, pour mieux vivre cette phase difficile, il est important à la fois de dédramatiser la situation, de sécuriser les familles et d’encourager aux mieux les jeunes patients à s’exprimer.

Si la fonction des équipes médicales doit impérativement rester prioritaire et s’il est primordial de ne jamais se substituer, en aucune manière aux psychologues, il n’en reste pas moins avéré qu’en ce domaine, la créativité globale active trouve sa place. En tout cas, il y a prise de conscience en la matière depuis une trentaine d’années. De plus en plus, des associations autonomes développent des projets continus de créativité artistique en services hospitaliers.

La créativité, propre à l’être humain, est la résultante de ses ressources imaginatives et de son potentiel d’adaptation aux circonstances. L’imaginaire, ce bagage sensoriel porté par chaque individu, est constitué à la fois d’images visuelles, auditives, gustatives, olfactives diverses, accumulées depuis le berceau. Il se nourrit tant que dure la vie. En travail étroit avec l’imagination, il contribue grandement au développement des moyens d’expression et de communication, et, par-là même, à l’épanouissement de chacun d’entre nous.

S’exprimer, communiquer et rire sont essentiels dans la vie de tous les jours. Pour un mieux être et un mieux devenir, ils le sont d’autant plus quand la maladie s’est installée.

Nombre de pédiatres et de psychopédagogues affirment aujourd’hui que ce sont là des critères favorables à une guérison plus rapide et/ou à une meilleure acceptation de la maladie et des soins.

Certains, compétents dans le domaine de l’enfance, l’ont bien compris et mettent à la disposition des jeunes patients un éventail d’outils pour une créativité épanouie. Notons que, si les concepts de créatif et récréatif se confondent souvent tant ils sont liés, il est bon d’établir une différenciation entre créativité et récréation. Car, si la récréation permet de distraire, distraire seulement, impliquant une relation de communication unilatérale allant de celui qui « distrait » vers celui qui reçoit l’activité de manière généralement passive, la créativité va plus loin. Elle incite à une possibilité d’interaction. Les activités proposées aux enfants hospitalisés n’excluent pas l’aspect récréatif, elles privilégient les démarches créatives.

Ainsi, musique, marionnettes, théâtre, mime, poésie, art du conte, cirque, modelage, peinture, clown…ont fait leur entrée dans les services de pédiatrie. Le blanc immaculé des murs a fait place à des peintures murales et des panneaux décoratifs.

Des projets créatifs pour les enfants hospitalisés

« Introduire et réintroduire obstinément la dimension relationnelle, la parole et l’art, pour secouer la passivité, la routine et les automatismes… L’implication nouvelle des artistes dans les lieux de soins et d’accueil des enfants est bien plus qu’une mode : c’est une nouvelle forme de civisme. » (1)

Depuis la Charte des droits de l’enfant hospitalisé (2), l’humanisation des soins et le bien-être du petit patient sont au centre des préoccupations des acteurs sociaux, médicaux et culturels présents à l’hôpital. L’hospitalisation des enfants en pédiatrie connaît des transformations essentielles. Accueillir dans un local convivial, rendre la confiance et libérer la parole, accompagner et rassurer l’enfant, lui offrir des moments de jeux et de détente sont des actions devenues indissociables du soin médical proprement dit (3).

Cela fait quelques années que la CCF subventionne des associations, cinq actuellement, qui développent des activités artistiques en milieu hospitalier. Les intervenants culturels qui travaillent dans ces associations possèdent en plus d’une formation artistique une connaissance de la psychologie de l’enfant, tout particulièrement de l’enfant malade.

Ils ont appris, parfois sur le tas, quelques notions élémentaires des techniques hospitalières (par ex., ne pas être horrifié de voir un enfant installé en perfusion intraveineuse, savoir adapter sa présence à un enfant inconscient, etc.) Ils ont également, en tant que citoyens, un minimum de notion de l’organisation de l’hôpital dans lequel ils interviennent.

Mais ils ont surtout accepté de faire un travail sur eux-mêmes, pour mieux comprendre les motivations profondes qui les poussent à œuvrer dans un milieu qui regroupe souvent des populations fragilisées. Lors de supervisions, ils travaillent les peurs ou les malaises personnels qui font écran à la relation avec l’enfant qui vit déjà une situation difficile.

En résumé, les animateurs culturels tentent de se situer correctement vis-à-vis des malades, vis-à-vis des structures hospitalières mais surtout vis-à-vis d’eux-mêmes.

Ce qu’ils recherchent principalement est donc une « qualité d’être ».

Ce qui fait de ces intervenants particuliers tout autre chose que des guignols de service ou des amuseurs publics, c’est leur professionnalisme et ce, qu’ils soient rémunérés ou bénévoles. Ils sont engagés dans leur projet, responsables de leurs actes dans le respect de la dignité, de la personnalité et de l’intimité de l’enfant et de sa famille.

Ils ne pourront jamais pallier un déficit qualitatif ou quantitatif de soignants par exemple.

« Ne cloisonnons pas la prise en charge de projets artistiques aux seules mains des représentants socioculturels. Raconter une histoire, chanter, jouer avec un enfant fait aussi partie du travail des soignants en relation avec l’enfant. Ne dépossédons pas les soignants de tâches « agréables » qui leur sont reconnues mais qui viennent trop souvent en bout de course.

L’humanisation des services de pédiatrie est une priorité, la culture représente un des vecteurs de cette humanisation, lorsque les culturels sont des partenaires. Cela nécessite un projet global de service » (4).

L’activité est proposée sans obligations à l’enfant et une plaquette ou une affiche ou un livret l’informe de la nature de l’activité.

« Une information du contenu de l’activité, où elle se passe, à quelle rythme, si elle est gratuite, quand il aura l’occasion d’y participer, s’il sera seul, s’il peut refuser une proposition et comment. Il est toujours utile de lui laisser le temps de poser ces questions, d’offrir des alternatives pour qu’il puisse réellement choisir ou marquer son opposition et lui laisser un temps et un lieu pour prendre des initiatives, manifester verbalement ou non verbalement ses désirs et ses refus. » (5)

Alors seulement, la bulle d’oxygène, le petit vent de folie, l’instant magique, la note suspendue se déposera, comme un voile léger, dans l’éphémère de l’instant présent.

Du côté médical, on s’est vite aperçu des conséquences positives à long terme qu’offraient ces activités artistiques surtout lorsqu’il existe une collaboration avec les médecins, les infirmières, le personnel soignant et bien sûr, les parents. Sans oublier que pour certains enfants, l’hôpital constitue le lieu où l’art est approché, pour la première fois, dans sa réalité vivante et palpable.

L’hôpital est dans la ville un lieu où l’enfant peut développer un autre rapport avec le temps et avec lui-même. C’est peut-être dans ces moments de fragilité, de rupture avec le rythme du monde actif du dehors qu’il s’ouvrira à des curiosités nouvelles, qu’il découvrira un sens à l’aventure humaine qu’il traverse.

(1) : « La prise en charge de l’enfant malade » par Didier Cohen Salmon, médecin anesthésiste in : les cahiers Dajep n°27, septembre 1996.

(2) : Charte élaborée en 1988 par EACH (European Association for Children in Hospital)

(3) : « L’accompagnement de l’enfant et de sa famille dépasse largement le plan strictement médical. L’ensemble de ses besoins éducatifs, affectifs, ludiques…doivent être pris en considérations quelles que soient les circonstances ». Actes du colloque : bien-être de l’enfant à l’hôpital, Laurette Onkelinx, 1996.

(4) : Marie-Madeleine Leurquin et Anne Malice, Centre d’éducation du patient

(5) : Anne Debra, psychologue clinicienne, formatrice au Cefem

Une plaquette réalisée par la Commission Communautaire française, 2003